Nescio

 

 

Nescio Quid Dicis

suivi de

Exit Narcisse

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

NESCIO QUID DICIS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PERSONNAGES

 

h.

f.

 

 


 

L’HOMME ROSE

Un dialogue de sourd

 

 

 

 

 

à Lui, le Narcisse tant aimé de ces années enchantées.

 

 

En se taisant il semble qu'il veille sur ce qu'il ne peut pas dire.

PASCAL GUIGNARD, Petits traités, t.1.

 

 

 

 

 

 

 

 

D'abord, on entend la voix d'une femme et celle d'un enfant.

 

VOIX DE FEMME. Ca prendra dix minutes.

VOIX D'ENFANT. C'est beaucoup dix minutes?

VOIX DE FEMME. Non, non, cinq minutes pour laver, cinq minutes pour sécher. Ca va vite.

VOIX D'ENFANT. Oui. Dix bonbons.

VOIX DE FEMME. Dix bonbons...

VOIX D'ENFANT. C'est beaucoup dix bonbons...

VOIX DE FEMME. Ah oui, ça c'est beaucoup.

VOIX DE L'ENFANT. Et dix personnes dans ma maison, ils ne rentreraient pas tous. 

 

Penché au-dessus d’un petit miroir, h. se fait un rail de coke.

h. Reste avec moi.

f. Là tout de suite. Montre tes mains.

 

Il lui tend ses paumes vides.

 

h. Tu vois bien, je n'y suis pour rien.

f.  J'ai vu, oui.

h. Laisse-toi aller.

f. Pour quoi faire? aller de l’autre côté de ton ... miroir aux alouettes?

h. Pour glisser… (presqu'inaudible) sous la neige.

f. (elle n'a pas entendu.) Quoi?

 

Noir. Reniflement, deux fois.

 

h. Je voudrais revoir encore la ligne brune sur ton ventre.

f. Pour ça tu sais ce qu'il faudrait.

h. Si on essayait l'autre façon.

f. Avec des fleurs dans les cheveux?

h. Celle-là, oui.

f. Et toi encore une fois tu n'y es pour rien.

   Proprement cassé, immobile, là.

h. Je respire encore un peu

f. Te souviens-tu seulement de mon odeur d'été

h. ...

f. Et ta langue à qui tu la donnes, ça fait longtemps que je ne l'ai plus vue. Où est ce putain de chat?

h. ...

 

Noir.

 

h. Je me suis retrouvé face à moi-même. Il n’y avait personne près de moi. J'étais seul et inattendu, personne pour m'accueillir.

f. Pendant ce temps, je me suis dédoublée, souriante au dehors, ravagée à l'intérieur. Ta façon de n'y être pour rien m'a pilée. Maintenant tu te frottes aux piquants...

h. J'ai pris sur moi.

f. (interrogation vague.) Et ça va repartir comme cela.

h. Ca peut.

f. Si peu d'élan, pour s'retrouver où?

   Au bout d'mon doigt, et encore...

   A force de.

h. Viens là.

f. Tu veux qui? Moi ou ta princesse au petit pois...

h. La nuit n'a pas été bonne.

f. C'est ce que je disais. Prends-moi.

h. …

f. Tu veux que je te raconte l’histoire de la petite fille qui s’appelait Cœur d’Or?

h. …

f. Dans la forêt, elle entra. Elle y rencontra une petite fille qui allait nu-tête, tremblant de froid. Cœur d’Or lui tendit son bonnet de laine. Prends mon bonnet, lui dit Cœur d’Or, je saurai bien me débrouiller sans. Elle continua son chemin et rencontra un jeune garçon vêtu seulement d’une chemise, il grelottait. Elle ôta son gilet fourré. Prends mon gilet, lui dit Cœur d’Or, je saurai bien me débrouiller sans.

Elle alla son chemin, et parvînt à la lisière de la forêt. Dès qu’elle fut sortie de là, un jeune prince la demanda en mariage. Je suis le jeune garçon à qui tu as donné ton gilet. Tu as un cœur d’or, je veux que tu sois ma princesse, il souriait. Prends mon cœur d’or, lui dit Cœur d’Or, je saurai bien faire sans. 

 

Noir.

 

f. Tu dors?

h. Non, j'médite.

f. Tu as vu, les bleus sur mes jambes.

h….

f.  Même pas mal, ils deviennent déjà jaunes.

h. Qu'est-ce que tu fais, là?

f. J'exhibe mes nuits.

h. Laisse-moi

f. Tu vas où comme ça…même pas mÂle…

h. Faire un tour. Tu viens si tu veux.

 

Noir.

 

h. Et si c'était le contraire. Ma vie, la tienne. Ta vie, la mienne.

f. Le premier de nous deux qui rira…qu'est-ce que tu veux dire?

h. Ce que je dis.

f. Je te tiens par la barbichette, tu me tiens…que met-on dans mon corbillon?… du court-bouillon, ou bien du trompe-couillon?…dis-le moi, mon petit corbillat…

h.  …

 f. Et alors? Qui l’aurait tiré?… le gros lot,… la tapette à queue… qui l’aurait eue?… Tu l’aurais voulu?… Tu aurais voulu ça?… Par-là… tu l’aurais. Tu aurais aimé ça?…De quel côté…la Cadillac walk…ou bien les deux orphelines, c’est ça…? Is your cock hard now?…

h. J'y pense, c'est tout.

 

Noir.

 

Assis face à face, les mains de la femme sont posées sur les genoux de l’homme, elle garde la tête baissée, cheveux épars, l’homme avait  peut-être un moment auparavant posée sa main sur la tête de la femme, il l’a reprise, maintenant occupée à lisser un pan de chemise, ou bien à la reboutonner avec application, s’aidant de sa langue. Ces menues actions accomplies  après que toute chose a été bue, toute chose versée, déversée…

 

h. (satisfaction détendue)  Et ta langue à qui tu la donnes, ça fait l…

 f. Ca ne peut pas suffire.

h. Tais-toi.

f. Tu as des choses à faire...

h. (dents serrées.) Tu te tais.

f. Et si je savais des choses que tu ne sais pas, et si je pouvais t'aider...

h. Toi? En maître à penser?

f. Ma langue sait faire…CA aussi.

h. Je n'ai pas besoin de ça. Finissons.

 

Noir.

 

h. Et si on s'donnait un autre rendez-vous?

f. Quel genre?

h. Le même, mais réussi...

f. ...

h. Il y a eu mars, il y a eu septembre, attendons février.

f. Attendre quoi?

h. On se donne rendez-vous en février pour ce que tu sais.

f. Et jusque-là?

h. On attend. Il n'y a qu'à attendre.

 

Noir.

 

f. Tu crois que je vais aimer ça?

h. On verra quand on y sera.

f. Oui, mais et après.

h. Après, on verra.

f. J'ai du mal à voir déjà.

h. J'arrangerai ça. Calme-toi.

f. Ca va. Mais qu'est-ce que tu veux?

h. Que tu te taises.

 

Noir.

 

f. J'ai pas fini de parler maintenant...

h. Ca va jamais s'arrêter, cette putain de...

f. C'est un peu tard, sans cela, je n'y serais déjà plus, je n'aurais pas trouvé... à vivre, il n'y aurait toujours rien de possible. Tu devrais aller y voir.

h. Je sais régler mes problèmes tout seul. Je n'ai besoin de personne pour venir y voir. Je suis sain d'esprit. Et puis, j'ai pas de problème. Et toi t'as changé.

f. Je suis sur le chemin, pas facile encore de dire les désirs, mais ça vient. J'ai des rêves maintenant.

h. J'en ai eu aussi, mais tu ne peux pas continuer comme ça. Je ne t'attendrai pas toujours. C'est le dernier rendez-vous que je te donne.

f. Et jusque-là?

h. J'attends. Rien ne se peut qu'attendre.

 

Noir.

 

 

 

 

MONOLOGUES  DE  QUAND  CA  DORT

 

f. Ma main dans ta main comme prise dans une porte

   Ma main là, posée comme un lapin, mort

   Ma main sur lui qui dort, comme

   Ma main sur la porte

   Ma main posée sur ton dos là où ma langue s'arrête.

   La nuit j'entends le bruit mouillé de ta langue dans ta bouche, le clapotis de la langue, dans ta bouche la langue clapote, noyée d'eau, tu suces ta langue, tu te rassures, tu te prépares, tu n'as rien à dire, tu restes seulement silencieux, ça t'aide à supporter.

   Ca m'insupporte, je pose la main sur ce qui n'est pas une queue, qui dort, au bas de ton ventre, qui ne veille pas, qui pour la manille fait le mort, qui ne s'envole pas, la chose sourde et muette ne clapote plus enrobée de ma salive, alors que dans ta bouche encore elle claque rouge-violacé contre le blanc de tes dents, le blanc-noir de ta bouche de geisha mâle. Mince. La mienne, de langue n'y vient plus, depuis longtemps que tu gardes les mâchoires serrées et repousses, je dégringole, ma langue carrée dans ma bouche, repliée au fond pointe au palais, loin.

   A la question comment tu m'aimes? a répondu avec des fleurs dans les cheveux. Tu les manges, les fleurs et les cheveux, tu les sens? mes cheveux d'hiver, mes cheveux (ceux) d'été, mes cheveux qui ne seront plus jamais d'enfant, mes cheveux de printemps, de l'automne je ne sais pas, quelque chose comme, le cheveu mouillé, encore de la pluie d'octobre que déjà le cheveu fumé de froid électrifié-statique. Les jours déjà rallongent. Tu dors?

   Ce matin, j'ai entendu le corbeau, où que j'aille, il me retrouve, même perdue là sans voir le ciel, seulement en levant le nez, mes yeux dans le carré imparfait bleu ou blanc, selon le temps d'ici, de maintenant. Tu dors?

   Je ne voulais rien dire pourtant, partie de rien, et puis ça échappe, coule le long du front, tombe sur les dents, avec la langue fichée derrière, la langue chargée à bloc, pleine de sens, pleine de silence, le même silence du bras posé, doigts serrés autour du bâton, de la tige traçante. Oui, alors, parfois ça fait autant de mal, sans qu'on l'entende venir, qu'une balle traçante... pfuitt... ça siffle, et on voudrait que le sifflement là s'arrête, de tinter alentour du tympan, qu'il cesse ça, qu'il cesse, ça siffle, et on voudrait... la fin de ça qu'on voudrait... que ça s'arrête là... ça, tout de suite que ça cesse, incessant, sifflant, cesse donc, là, cesse ça, là qui siffle au fond, cesse ton persiflage, ton uhlan siffleur, ton souffle qui rend, fou qu'il rend ce... cesse, là, cesse, ça siffle, là, cesse, l'âme, on sait ça, alors cesse, cesse là... paix.

   Après cela, les jambes n'y sont plus, le cœur non plus n'y est plus. Plus rien de tout ça, restent les mains, et encore, glacées, blanches, douloureuses, à faire et refaire le tour des ongles, on devrait dire le carré des ongles, ce tour-là, carré. Refais, refais, refais-le, compte, compte, recompte et décompte les tours, un, deux, et trois, et quatre, et un et deux, trois et quatre, un et deux et trois et quatre. La surface en est lisse, polie-douce, sans vagues. J'enlève ça, qu'est-ce qui reste? Les mains derrière le dos, la bouche...fermée, les oreilles...endolories... et puis, le sifflement. Tu dors.

 

Un blanc pas trop long.

 

h. J'entends que tu bouges. Le frottement de tes jambes l'une sur l'autre, et l'autre sur l'une. Le frottement de tes bras croisés au-dessus de ta tête sur l'oreiller, l'un sur l'autre, l'autre sur l'un.

   Parfois une sorte de son, de ta bouche une autre sorte de langue, la langue du soir, la seulement dite allongée, ça claque, ça sonne, c'est ton nippon, ton inventé. Tu javanes quand tu t'étires. Tu frottes ton pied au mien, tu agrippes tes orteils aux miens, les emboîtes. Chut, tu fais, au reniflement, chut, tu fais, à ma langue vivante muette. Je ne te la donnerai pas, tu ne l'auras pas, d'ailleurs, tu ne viens plus la chercher, mon péni(s) non plus (le s ne s’entend pas, il prononce pénis comme déni), tu ne le tiens plus, n'y tiens plus, tu pèses à peine plus maintenant qu'une feuille morte. Je m'endors pudique sous ta main-feuille. J'entends ta cheville qui craque, tu t'étends, t'étires, remonte tes cheveux sur l'oreiller, les vrille avant de laisser aller ta tête. Tu tires le drap, le balances, le reprends, le retires, le balances sur moi, le retends, tu fais le lit. Tu prépares ta couche, tu tournes et retournes, t'épuises comme la chienne avant de tomber lourdement dans la nuit. Tu tires toujours le drap, tires et retires, tu n'en finis pas. Tu te lèves, te relèves. Tu as envie de faire, et refaire. Tu te lèves et tâtonnes le noir, trébuches, pestes, reviens et à peine étendue te relèves encore, te retires, tâtonnes, trébuches, pestes. Et puis tu rallumes. Tu lisses le drap, refais un tour, avant de trouver ta place, tu t'approches de moi, trop près, ça pèse, toujours trop sur mon corps. Je te désarçonne.  Dégringole. Tu retombes, te détournes, te replies, te pelotes, te blottis sur toi-même, et paix.

 

Noir.

 

f. Aujourd'hui, tu es entrouvert

h. Entrefermé

f. C'est l'histoire du verre

h. Arrête de me dire ce que je suis

f. Je te dis ce que je sens

 

Temps.

 

 

f. Je n'ai presque plus peur.

h. ...

f. Cette chose-là a changé. Tu te rappelles, ces cris de frayeur qui me déchiraient le crâne. C'est fini maintenant, je ne crie plus.

h. Peux mieux faire.

f. ... comment ça, peux mieux faire?

h. Parce que...Tu as encore peur dans le noir... peur que ce ne soit pas moi...

f. Oui, mais tellement moins. Je m'y prépare, lorsqu'on me prend par surprise dans le noir, alors, oui, je suis encore effrayée, mais ça passe. Pourquoi peux mieux faire. Je ne veux pas d'un maître, je ne suis pas ton élève. Je n'aime pas peux mieux faire.

h. Moi, si. Et je dis peux mieux faire.

 

Noir.

 

On entend la voix d'une femme et celle d'un enfant.

 

VOIX DE L'ENFANT. Dring, j'ouvre, pouh!... Dring, j'ouvre, pouh!...

Dring, j'ouvre, pouh!...

VOIX DE LA FEMME. Driiiiing (un temps) J'ouvre...Pouh!...

VOIX DE L'ENFANT. Driiiing...

VOIX DE LA FEMME. J'ouvre.

VOIX DE L'ENFANT. Pouh!

VOIX DE LA FEMME. Driiiing...

VOIX DE L'ENFANT. J'ouvre.

VOIX DE LA FEMME. Pouh!

VOIX MÊLÉES DE LA FEMME ET DE L'ENFANT. Driiiing!!!... J'ouvre.... Pouh!!!...Driiing!!!... J'ouvre... Pouh!...Driiing!!!...J'ouvre... (rires)

 

 

f. parle avec les mains, fait des moulinets. Elle ponctue ses paroles de gestes vifs, comme dans un essai de saisir l'air qui l'environne.  A plusieurs reprises l'homme saisit les mains de la femme, les pose sur ses genoux à elle ou bien les emprisonne dans les siennes, il arrête le mouvement que visiblement il supporte difficilement.

 

f. On reste touché l'un par l'autre, l'autre par l'un,

mais c'est comme si on avait perdu l'usage de nos corps,

cette chose-là se peut.

h. Tu parles trop.

f. On se touche par la langue. Seules nos langues encore.

h….

f. Je ne t'entends plus comme avant. On ne parle plus la même... (elle vérifie qu’il est avec elle) Tu ne m'entends pas?

h. Tu ne t'arrêteras jamais? Calme-toi. Lààà.

f. Je suis calme. Seulement quand on est mort, alors là oui, on ne bouge plus. Qu'est-ce que tu veux?

h. Calme, calme.

f. Je suis vivante, mes mains m'accompagnent, sont venues avec, je ne peux pas te parler comme ça. Laisse-moi au moins cette liberté-là. Tu voudrais m'ôter ça aussi, et la vie pendant que tu y es, c’est ça que tu veux?...

h. Je ne veux rien, tais-toi.

f. ... elle se lance dans une sorte de danse étrange. Ses mains s'agitent, son corps est parcouru de soubresauts, il s'étire, se déhanche, son dos se voûte, son ventre danse, ses yeux parlent aussi, s'écarquillent, se froncent, se ferment tandis qu'elle secoue la tête rentrée, tout un jeu avec la langue, elle la tire parfois, la pointe, la rentre, s'en lèche les lèvres... après ce déchaînement, elle tombe à plat ventre, bras en croix. D'un coup.

 

Noir

 

f. Quel est le plus court chemin entre la chenille qui se tortille autour du bâton et le papillon?

h. Le plus court, c'est la chrysalide, enlève-ça.

 

Noir.

 

Ad libitum, la femme se repasse un enregistrement de Jean Cocteau, qui déclenche son rire à chaque écoute. Elle manie la télécommande pour revenir au début. Elle est assise, pieds sur la table, ses jambes s'élèvent et décrivent des sortes de ciseaux dans l'air. Elle s'étire, tantôt écoute la voix, l'emphase de Jean Cocteau, tantôt l'imite.

 

VOIX DE JEAN COCTEAU : Ah j'ai connu Marcel Proust lorsqu'il était un inconnu. Et nous le traitions toujours comme s'il était célèbre, c'était une habitude prise, Lucien Daudet m'avait mené dans cette chambre du boulevard Haussmann où il vivait, couché, dans un nuage de poudre antiasthmatique. On n'ouvrait jamais les fenêtres, la poussière recouvrait les meubles comme une fourrure de petit-gris. Proust écrivait dans son lit, ganté, environné de plaques de liège, il était dans une guérite de plaques de liège, sa barbe et sa frange de mèche noire le faisait ressembler au Carnot mort du musée Grévin, au Captain Nemo de Jules Vernes. Son œuvre s'accumulait à sa gauche sur sa table de nuit, sous forme d'une pile de cahiers d'écolier parmi les fioles, ces cahiers d'écolier illisibles, il y déchiffrait si mal lui-même sa propre écriture que, quand il lisait, cela le jetait dans des fous rires, il se tordait de rire. J'n'oublierai jamais ces lectures la nuit, coupées, hachées par ce rire, ce rire dont il se barbouillait la figure avec sa main.

 

Ad libitum, c'est-à-dire jusqu'à ce que ceux qui sont venus voir n'en puissent plus, de son jeu. Et elle, rit toujours comme si elle découvrait à chaque fois ce qu'elle entend, elle, seule, dans son plaisir incommunicable.

 

Noir.

 

 

h. C'est ta douceur excessive, qui m'est insupportable, ta douceur excitante.

   C’est ta douleur excessive, qui m’est insupportable, ta douceur excitante.

   C'est ta douceur excessive, quand tu tombes la nuit, quand tu saignes la nuit, j'en peux plus, de... quand tu manges et que tu pleures à la tombée de la nuit, et j'attends que ça finisse, les nausées, j'en peux plus de tout ça... de retrouver le lavabo maculé... et puis les tremblements, les cris.

f. C'est la solitude d'il y a peu... quand je me regardais encore d'un peu trop près dans les miroirs, parce que sa solitude on la remplit de rituels...cette distance à moi... tellement loin, je ne vois plus...le soleil s'est assombri... les taches persistent en négatif sur ma rétine. Je ferme les yeux.

h. Ta voix douce, presque mondaine et puis tu parles, tu parles...je te prends, j'essaie, mais ça ne prend pas, ma queue reste molle, tu glisses sur moi, tu me quittes lessivé. Fatigue. Je veux dormir. Fatigué, il faut que je dorme.

f. Elle est où la merveille?

   On s'touchait à tout bout d'champ sans finir....

h. Et parfois cette autre sorte de voix aussi, uniforme, et basse, inaltérable, trop claire, trop choisie.

   Peut-être que je ne suis plus un homme, alors quoi?

   Je n'arrive pas à la prendre.

   Je ne supporte plus ta façon de te coller à moi comme un chat tiède, pesant, tu me fais mal... espèce de mauvais sang qui poisse... ma poitrine n'est plus assez large pour te recevoir, mes jambes trop longues.

f. Maintenant tu le vois ça, que c'est fini, je ne peux plus te bercer et te consoler. Ma voix ne chante plus pour toi. Tracer seulement, tracer, ça n'en finit pas de tracer, tellement à tracer encore.

 

Noir.

 

h. Cette façon qu'elle a d'à peine exister pour eux et d'écrire, écrire seulement, toujours avec la même opiniâtreté.

   Je suis trop sur mes gardes, pour t'écouter.

f. Je ne peux plus. Ces orages de larmes qui tournaient au déluge, les oreilles qui font mal, le sang dans le blanc-faïence du lavabo, les chutes la nuit. Fini. Fini tout ça. J'ai dit.

 

Noir.

 

h. Suce ma queue, et que t'ensevelisse l'avalanche de mes pensées, mes humeurs blanches sur ta langue glissent dans ta gorge, et paix, ta parole étouffée, assourdie par mon... amour. Là tu t'es tue, encore faudrait-il que tu y viennes. Mon amour, mon étouffée, ma repue, mon assouvie, la parole exorbitée dans ta gorge. Brise... dans mon dos le souvenir de ta langue qui tente d'entrer jusqu'à ma bouche et retour, cherche mon oreille et lèche mon cou, suce ma peau. Ta salive dans ma main. Tu dors?

   Où as-tu mis ta langue-la-cajole... je te caresse, je te mange, non, ça, je ne peux pas. J'aimerais te retenir au balbutiement comme tu étais venue, t'y ramener, mais tu es déjà loin, dans la parole déjà trop loin.

f. J'ai sous mes doigts

   ton cœur

   qui bat tout au bout

   de ta queue.

 

Noir.

 

h. Tout ce temps à fatiguer ma peur.

   Tout ce temps passé, dehors, en dehors, le dehors d'elle à fatiguer ma peur. Lessivé, vidé, le robinet noué pique du nez. Mes lèvres ne se desserrent plus sur ta langue, je le sais, je ne peux plus. Empêtré. Tes yeux vers moi, ton visage tendu, lèche ma langue, lèche ma langue.

   Comment veux-tu que je fasse, que veux-tu que j'y fasse? Sauras-tu tenir, seras-tu le tuteur de ma fragilité? A quelle forge, trouverai-je à durcir ma gracilité? Trouverai-je?

   Faudra-t-il que je te torde le poignet, pour arrêter...le mauvais sang?

   Tu m'as jeté un sort, ce vent que tu fais en parlant et qui me glace. Je ne pourrai plus, déjà au fond de la gorge s'amoncellent les fragments de l'inspiration, tarie, trahie par toi, ma belle chantante me refuse sa source vive. Je n'peux pas, je n'peux pas. Je suis l'autiste à soi, tuée la mère en moi, je parle étroit, quasi-muet. Ma voix ne sort plus, ma queue ne se lève plus, mes dents me font mal. Je joue le sacrifié, même mon silence ne (te) parle plus. Les mots raclent ma gorge, seul mon nez consent encore à bruire, dans la résonnance chétive d'un chagrin inconsolé, j'ai bien peur que la peine n'ait été remplacée depuis longtemps par une sorte de défaillance nerveuse déjà risible.

   Comment alors pourrais-je rester là à accueillir, ce que tu fais si bien, t'y appliquant de tout ton corps.

 

Noir.

 

f. Il est resté longtemps. Il semble souvent souffler par le nez la terre en trop qui l'empêche de respirer. Il n'est plus même seul : rien.

 

Noir.

 

h. C'est simple, la langue ne me désire plus. Mon corps se tait, incapable de songer seulement à jouir. Tu ne te nourris pas bien, tu oublies de manger, tu n'as plus faim. Et avec ça tes yeux de plus en plus perçants, je ne veux plus les voir. Les entendre. Tu n'es emplie que de tes paroles, et ça, ça n'arrondit pas tes hanches, tes os pointus saillent et me blessent la vue. J'ose à peine et je te découvre nouvelle, ma toute nouvelle, ton corps plat étendu près de moi à peine parcouru. Et pourtant tu gonfles à vue d'œil, tu n'as même plus besoin de moi, tu es pleine de pensées. Tu engendres et enfantes seule. Je peux m'asseoir? Oui mais où est ma place, tu ne l'as pas gardée. Tu l'as prise à toi seule. Passant le temps à briquer ton orgue.

f. Je sens tellement que tu voudrais être l'acteur de mon assujettissement. Mais tu restes épinglé là par la seule force de mon alacrité, semble-t-il.

h. Ma queue se dresse dans l'air et aussitôt défaille au son de tes grandes orgues, vannes ouvertes, je reste assis, immobile dans l'autre pièce, tandis que me parvient le crissement de ta mine comme une chatte sifflante. (Je ne serai pas le lièvre pris au son de ta voix.)

f. Il est allé tellement loin dans le retrait que revenir, rentrer à nouveau lui est impossible. Tu t'es terré si profond, dans le retrait devenu sauvage, tu ne peux plus rentrer. Comment pourrais-tu revenir... plus fichu de parler, tu as tellement désappris à mettre des mots sur ton silence.

   Tu as désappris la langue, ton corps a écarté la jouissance, ton âme en veilleuse, petite, petite... je me tiens à l'orée, dans ce trou tu t'es trop enfoncé, empêtré, maintenant, comment feras-tu? comment te sortir de là?

   Ensauvagé comme si j’avais avalé ta langue.

   J'entends tes oreilles siffler dans le silence du lieu tandis que tu m'intimes l'ordre de me taire. Paix.

   Dehors, je te regarde ânonner, ta voix est devenue si sourde à présent, qu'on te fait répéter, qu'on tend l'oreille, et tu répètes, si bas encore, si bas...

h. Je laissais mon lacet défait, au cas où,

   Tu as marché dessus, tu ne t'es pas baissé à hauteur, pas de celles-là.

   C'est un signe, il y a celles qui se baissent et prennent dans leurs doigts et refont le nœud. Les prévenantes. Et puis il y a les autres. Tu es de celles-là.

   Qu'attends-tu de moi encore?

   Quand nous délierons-nous?... (à part.)

f. Quand nous délierons-nous... (à part.)

 

Noir.

 

f. Dessaisis-toi.

h. Ressaisis-toi.

 

Noir.

 

h. Tu t'es envolée, tu as emporté ma langue.

f. Tu es mon lièvre, je ne serai pas la hase que tu couvriras.

   Charnellement, à peu près le désert.

h. J'ai du mal avec la langue. La sienne, nouvelle et plus tellement châtiée... Ta langue m'a déjà châtré, qu'est-ce qui reste? Qu'est-ce que tu attends, qu'est-ce que tu veux? encore... que je passe le reste de mon temps à me masturber l'appendice, le canal de mes premières nourritures avant que l'air ne vienne gonfler mes poumons.

f. J'ai... la tête... emplie de la chaleur d'avant... l'évanouissement, d'avant... les pommes. Je tremble comme une feuille, je sens que je tombe... c'est ça que tu voudrais encore pour moi?

h. Tu en souffrirais? Il sourit. Mais tu es guérie.

f. Oui, je me suis soignée, je suis guérie.

 

Elle tombe.


 

   NESCIO QUID DICIS

 

 

 

 

Soustraire le poison de la promesse, l'atroce idée de la présence.

PASCAL GUIGNARD, op. cit.

 

 

 

 

 

Ca commençait à parler trop bien. Ca, c'est la voix d’avant qui sort d'eux, c'est la voix en eux qui parle après la chute. Elle échappe au poliçage de l'entendement propre, comme une voix d'avant la connaissance, enfin le corps se laisse prendre, s'y laisse prendre.

Nescio quid dicis, je ne sais pas ce que tu dis, et j'ajoute, je ne suis pas ce que tu dis.

 

f (elle). J'ai été fils dans le sein de ma mère, avant de naître fille.

   Elle a porté en elle son fils mort, et dans la pensée de son fils mort... elle m'a mise au monde. Elle m'a vite laissée sortir. Va.

   A partir de quoi elle s'est toujours tenue trop loin pour m'entendre. Ses mains étaient froides, sa peau était sèche, la nuit silencieuse et solitaire.

   Dès ma naissance, j'étais déjà morte une fois.

   Après il y a eu un très long silence.

   Celui qui fait mourir à trop s’y prendre. J'y suis restée longtemps. J'ai encore survécu. De la mère j'ai appris la voix du silence et ses vocables, les pensées entêtantes.

   La digue a cédé : le flot en moi a charrié, poussé mes pensées au-dehors, je me suis retrouvée face à moi-même, gesticulante, lèvres et bras dans le mouvement désordonné.

   Je voulais dire ce silence. Cette voix dans l'air est restée inentendue. Personne ne s'est retourné.

   J'y suis retournée, au silence, celui bien au fond, j'ai encore écouté (longtemps) et j'ai suivi...la trace... c'était mes mots qui crissaient sur le papier. Tout est redevenu silence : sa tête couverte de bigoudis, ses bras levés, les épingles multicolores dans sa bouche, l'eau qui coule du robinet, dessous elle passe le peigne avant de lisser la courte mèche de cheveu à rouler. Elle lance le drap blanc, il retombe sur le matelas, le silence de sa paume sèche lissant l'étoffe pesante.

   J'ai coupé le son... gardienne à vie du son coupé.

   Tu m'as refusé ton lait, je n'ai eu que des larmes, ça il y en avait, à ne jamais tarir.

   Je tétais l'amer, le sel déchirait (brûlait) ma gorge.

   Je ne pouvais rien avaler.

   Je refusais toute nourriture.

   Je n'acceptais de toi que la poussière d'œuf tombée au fond du verre de jus acide.

   La nuit a passé.

   J'ai enfin pu ouvrir les yeux. Mes yeux collés jusque-là se sont enfin ouverts, pupilles étrécies par la lumière crue d'un jour couvert. J'ai couru jusqu'au fleuve en tenant haut ma jupe. J'ai vu l'or en plein. Je m'y suis lavée le visage. J'en ai ranimé mes traits. Un froissement m'a distraite, j'ai relevé la tête, sur une patte un héron se tenait là sur le sable de la rive d'en face. J'ai lâché ma jupe qui s'est aussitôt gorgée d'eau, j'ai noyé mon regard dans les éclats du fleuve, j'ai tout lâché. Comme un orvet sorti du four, ça coulait très chaud le long de mes jambes. Une fois mes yeux tout emplis, j'ai mis un pied hors de l'eau, puis l'autre, j'ai fait glisser ma jupe, à deux mains l'ai tordue jusqu'à ce qu'elle rende toute l'eau bue, avant de m'en revêtir. L'oiseau gris s'est envolé, je rentrai, me retournais souvent vérifiant que l'eau brillait toujours, ne perdait pas son éclat hors de ma vue.

   Sans que j'en aie senti le commencement, la tête s'était mise à battre. Qui pleurait là? Toi ma mère immiscée, assise nue sur tes talons, pleurant, pissant tout à la fois sous la peau de mon crâne. Chacun de mes pas résonne douloureusement sous la voûte, derrière les yeux. J'ai de l'eau plein la tête, j'ouvre la bouche pour cracher.

   Maintenant, je gémis, et c'est tout.

 

Temps.

 

h (lui). Je suis né garçon d'un ventre préparé à cœur, à fille qu'il l'était, à fond à fille. La mère avait déjà rêvé ma vie en rose.

   On ne m'attendait pas, faute de bras, j'ai fait le grand saut dans le filet.

   (Le nom reçu, je le lis lui ou elle.)

   Pendant les premiers mois j'ai porté le rose, confusément, pas confusément du tout. Mes frères m'ont bercé comme une fille, la drôle de pisseuse, qu'ils disaient, chantaient, reprenaient (en chœur). Mes frères m'ont chanté des chansons à l'oreille, dites rien que pour moi, ça faisait :

   La drôle de pisseuse qu'a un crayon, qu'a un crayon

   Le temps venu la mine lui viendra, la mine lui viendra

   Alors quoi qu't'écriras, quoi qu't'écriras de ce bout là...où qu't'écriras...

 

Temps.

 

   Au premier jour d'école, le maître a fait appeler la mère :

"Raisonnez-la, votre petite, elle a beau avoir mis l'habit bleu, j'lui ai dit qu'on n'pouvait pas être garçon après qu'on est né fille. Dites-lui, à la petite..."

   Ma mère debout interdite sur le seuil de la classe.

   Le lendemain, je portai au maître un mot signé du père :

"Cette petite-là, elle en a toutes les manières, mais c'est bien mon dernier gars."

   Après quoi, le maître s'est appliqué à, j'ai été rompu aux usages. Voilà comment je fus mis à mâle, le nez en loques, sans oser le moucher, le toucher tellement j'en aurais crié. Fini la vie en rose.

 

Temps.

 

   Reusement, les filles m'aimaient bien, me bouchonnaient.

   J'étais fin et délicat, elles touchaient mon front, posaient leur petite main blanche à plat sur mon front, le sang y fleurissait bleu comme une ligne de myosotis. Chacune d'elles me soufflant bas à l'oreille son haleine de lait tiède : ne m'oublie pas. Je n'oublie pas. Je n'oublierai plus les petites roses autour de moi comme un sautoir. Perle à perle, j'ai sucé longuement. Jusqu'à ce que repu, j'en oublie les autres sortes de nourritures. De vertige en vertige, dans les chaussures trop grandes, les chaussures trop moites, j'ai trébuché jusqu'au service.

 

   Là, j'ai feint.

 

   Pas d'mal avec la gueule de martyr que je m'étais peinte, bien accrochée, le nez à la retrousse, c'est comme ça qu'il avait poussé, presque émouvant, j'vous jure. Je m'touchais souvent, comme pour être rassuré d'être là. Mes petites roses sautillantes étaient devenues rouges, n'en finissaient pas de glousser, et sentaient si tant à présent que l'envie m'venait d'retourner dans le ventre d’la ... Elle je l'aimais. J'aimais la renifler. Verticale ou horizontale, dans toutes les positions, elle odorait iodée, la mater.

   Le père et son fusil continuait à écarter les branches, pour rabattre le bon gibier à sang. Tandis que les frères tiraient ferme sur leur mie villageoise. Tu l'as vue ma mie, tu la veux? Leur façon de me narguer en chœur.

   J'héritais de leurs godillots, toujours bien faits, à point, usés et contrefaits, même avec les chaussures neuves de la ville, j'ai gardé le pas d'avant. Ca claudique encore sur le pavé parisien.

 

Temps.

 

   Au début, elle m'a appelé son paysan rose.

   C'était doux... elle m'a donné tout son corps, à humer, ses cheveux, quel bonheur d'l'avoir trouvé cette fille, ma si vile Ysé, elle sentait si bonne, elle, la bien apprise, bien prise dès le départ. J'lui ai fait la spéciale. Puis plus moyen, foutu comme un fœtus sans amarres, le père, j'l'ai perdu, il m'a renié, a pas voulu de moi. J'ai mimé le texte, j'ai cru que ça suffirait pour devenir un autre, mais je suis encore tombé sur le nez, touchez-là et vous recouvrerez la vue, qu'ils disaient. Je l'ai tendu bien droit jusqu'à sa langue. Puis j'ai repoussé ses dents, ses ongles aussi. J'ai plus voulu sucer non plus. Après c'est la chiffe à maman. Zéro. J'y suis encore. J'en sors pas à déglutir sonore, à renifler comme un veau qui tète.

 

Temps.

 

   Jan du bureau d'à côté tend le cou pour me voir, j'ai rien contre, cet homonyme, mais j'ai rien de commun, moi y m'faut d'la femme, d'la vraie, avec du bas couture par en-dessous, culotte fraîche ou sans, le cheveu mousseux ondule nature, d'un peu loin c'est mieux, regards dérobés, on arrête là. Ma queue alors s'tend toute seule sans que j'y pense, et c'est bien.

 

 

 

h.& f.  On joue à un, deux, trois, soleil. Tu bouges seulement quand je ne te regarde pas. Un, deux, trois, je te vois. Je compte trois et je te vois. A soleil, immobilise-toi avec ma voix. C’est pas du jeu. Même pas mal. De même pas mal à c’est pas du jeu, see?…

f. Je n’en veux plus de ton amour bouche-cousue corps mort-muré.

Homme rose pour couple blanc veut bébé sans faire l’amour. On s’fait une petite F.I.V.? Un magnifique tableau de Norman Rockwell, les costumes sont de..., sur le bandeau jaune en lettres noires il y a écrit: crime scene do not cross.

h. Lacéré.

f. Is your cock hard now?

h….message virus-I love you, Melissa…Jacques a dit: ne consultez pas ce message, vous risquez de contracter le virus…

f. Une fois les touch screens éteints, reste encore le vide, ce vide entre nous que tu ne remplis plus…la caverne inhabitée de mon ventre, ce bas de moi où tu ne t’abaisses plus… ta plume de péni(s), où vole-t-elle, où?… sur quel os de seiche?

h….

f. Ta plume de pénis…

h…Redondance…

f. Jacques a dit: Ta plume de pénis s’envole entre mes lèvres gonflées.

h…Si je veux.

f.  Dans ta réponse la même brutalité des sourds, qui n’entendent rien, ne mesurent rien. Tu ne sais rien mesurer. Sauf peut-être le silence. Le silence oui, mais la parole, la voix, tu ne sais pas. Je tremble comme une feuille…

h…Si je veux.

f. Je donne ma langue…je passe ma langue…ma langue entre tes lèvres frappe contre tes dents…qui restent fermées.

h…Ma langue ne va pas ouvrir tes lèvres, ne s’immisce pas, elle. Muet, l’homme muet, l’homme mué femelle. Les mots ne caressent pas ton oreille de femme, mes mots n’iront pas caresser le pavillon de ton oreille d’hermine.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

EXIT NARCISSE

 

 

 

 

 

 

PERSONNAGES

 

 

h.

f. se change en FEMME devient ÉCHO

HOMME devient PAN


 

L’INDIEN DANSANT

 

 

 

 

 

 

à Lui, le Condor, qui sait si bien rendre à la nuit sa lumière.

 

 

 

 

 

 

Au téléphone, premier appel.

h…Qu’est-ce que c’est que cette voix? Ca résonne.

f. Oui. Oui, ça résonne. Peut-être c’est ma nouvelle voix.

h….

f. Je veux jouir. Tu entends?  Jouir de la vie. Dans jouir, tu entends, il y a jour, et il y a ouïr aussi, c’est drôle. Oui, c’est ça. Jouir, c’est ouïr le jour. Enfin.

h…Il était de quelle couleur…

f. Dans la nuit je n’ai pas pu voir, il avait…la couleur de la nuit.

 

Noir.

 

 

f. ( rêve) J’ai décidé de séduire ce garçon qui se tient près de moi depuis si longtemps, rien ne se passe plus entre nous, cohabitation chaste, petite mort sans intention de la donner. Je passe la porte, juste en face se trouve la salle de bain. Je veux prendre un bain avant de revenir près de lui, chaude et humide, ruisselante tiède. Au moment de le rejoindre, j’ouvre plusieurs portes, pourtant tout à l’heure il n’y avait qu’une porte pour sortir, je ne retrouve pas le chemin du garçon….Oui, c’est ça dont j’ai peur, après le départ, ne plus retrouver le chemin du retour. Mais tant pis, si une fois partie, plusieurs portes s’ouvrent, alors probablement il faut le faire…

  Voilà, c’est ça, si je deviens papillon, plus jamais je ne pourrai revenir au cocon déchiré. Pour devenir papillon, je quitte la chenille, je quitte la chrysalide. Je dois bien lisser mes ailes pour sortir.

  Le chas de l’aiguille, on y passe mais si l’on veut faire le chemin inverse…pour quoi faire?…Il est plus facile de sortir du ventre de sa mère que d’y retourner…

Une autre sorte de voix sort d’elle. Crois-tu?

 

Noir.

 

  Sur le rivage dormait une biche. Repliée sur elle-même, elle levait parfois la tête pour regarder la mer au loin et écouter, attentive au flux et reflux, arrêtant sa langue tiède sur le bout de sa patte. Il arriva une fois que la mer se retirât tant et si loin que la biche la crut partie pour de bon. Elle déplia alors ses pattes pour se lever et ne put se mettre en marche. Avant de faire un pas, elle dut, des heures et des jours durant échauffer et étirer ses membres. Enfin prête, elle tourna une dernière fois la tête vers ce qui n’était désormais plus qu’un mirage (de mer). Alors droit devant elle, elle alla. S’assurant toujours de la fiabilité du sol avant d’y laisser son empreinte. Plus elle avançait, plus elle sentait la terre la porter. Elle se mit à courir jusqu’à la forêt, nicha dans le tronc creux d’un grand arbre et pleura. Lorsque tout fut pleuré, elle s’endormit.

  En rêve, elle vit la mer revenue.

  Le jour l’éveilla, elle détendit sa croupe et recommença à courir doucement, suivant le soleil blanc à travers les arbres. Elle ne s’arrêta plus, tout l’alentour brillait, la forêt semblait sans fin.

  Vint un autre temps dont chaque nouveau jour semblait une promesse de l’ultime alignement d’arbres. Vivant de l’espoir d’un nouveau paysage, elle courait toujours, guidée tantôt par la lune, tantôt par la lumière du jour. Elle ne tiendrait plus longtemps, les articulations de ses genoux s’enflammaient; elle fit une pause. Des bribes de pensée voletaient dans sa tête avant de retomber comme les mannes du ciel. Quelques feuilles séchées suffirent à essuyer son front. Elle secoua la tête, et dans un pressentiment se retourna d’un coup. Alors ce qu’elle vit n’avait pas de nom, n’était plus une forêt, les arbres étaient couchés à terre, comme rompus après être restés un trop long temps debout. A quelle tempête avaient-ils cédé? Son regard se perdit à l’horizon. Alors ce qu’elle vit, elle ne l’avait jamais vu qu’en rêve. Au loin le mirage d’une oasis ou bien était-ce une oasis? et venant vers elle, semblant glisser sur l’onde, se détachèrent les contours tremblés d’une femme.

 

FEMME. Tu m’éclabousses, mon indien, mon hun, ton jaillissement de vie…tout au bout de…tu danses si bien, mon indien dansant, mon esquimau magnifique du bout de la nuit, tu danses là si …ton visage fendu, riant, la jubilation contagieuse, des yeux comme des fentes, les traits obliques dans ton visage d’indien, d’indigène, la peau douce d’asiate bigoudin…mon indien bigoudin, mon halitueux, hallucinogène, mon hun.

Les petites décharges le long de ma colonne, colonne de vie, de ta colonne de vie résonne la vibration jusqu’à ma nuque, le derrière de mon crâne, je n’en peux plus, paix. Plaisir comme une plaie vive, une douce plaie.

 

Temps.

 

  Ce désir-là me donne de l’élan.

  Et la biche devint élan, une autre manière de femme. D’être intimement émue par cet indien dansant me remplit d’énergie, de la force vive, oui, c’est ça, la faim-valle, l’essence du vivant. L’homme gagne du terrain, je m’endors repue sur ses terres d’horizons lointains.

  Notre alliance désexuée, comment fut-il possible qu’elle dure autant.

  La belle au bois dormant, comme après trois mois de nuits polaires… l’éveil …. Comme passée, repassée sur cette planche de ton corps, muet et immobile, ma langue, qu’en faire? La couper, mes mains, qu’en faire? Les attacher, mes jambes, qu’en faire? Les plomber…L’ondulation lassante de mon corps laissait toujours ton corps indemne, faisant de moi ton étiolée, foutue faisane éperdue. Étiolée qui s’étiole sur ton ventre mou de même pas encore devenu homme…l’homme rentré, c’est ça, tu l’as rentré bien au fond, tout au fond, comment, après cela, trouver la mèche qui enflammera le nerf vague…Un homme comme un grand tampon d’ouate a tout absorbé…a bu la rivière, jusqu’à la sortir toute de son lit. Tu as absorbé toute l’eau de mon désir, comme une huître, d’un trait, j’ai joué ta désincarnée. Disparue. Pfuitt…Still life…L’homme rose est le garant de vos vies intouchées, le retoucheur de votre belle nature. Pfuitt… mon lost and found direct tu l’as fait glisser dans l’oubli. Mon spara-fucile…pour quel gage m’as-tu sacrifiée? C’était péché d’orgueil de penser que mon amour te sauverait. D’un trait, l’homme rose a bu l’énergie vitale comme il l’aurait fait de sa chicorée du dimanche. Incessant à déposer ses sacs de sable pour colmater l’inondation désirante de mon vagin.

  Lui, il est mon Ulysse, ma sorte d’Ulysse, il me rejoint dans mon Ithaque avant de rejoindre le feu d’autres ventres, mais je ne suis déjà pas sa Pénélope. Lui, il travaille à reboiser en amont, et que reboise-t-il ainsi, qui? Je vous le donne en…votre servante, sa nouvelle Venus erotica…oui, c’est ça, avec l’indien dansant l’amour devient communion sacrée, oui, c’est ça, l’extase, le bel esclandre…

 

Noir.

 

 

FEMME. Je regarde la nuit…maintenant le téléphone a fini de pleuvoir. Comme après un long voyage, atterrissage, jetlag, nausées, étourdissements, les pieds au sol, hypoglycémie, sueurs froides, apesanteur, ivresse, évanouissement.

 

Temps.

 

  Deux arapèdes…

 

Temps.

 

  Mon indien dansant, mon singe nu, mon bonobo riant, mon dieu-soleil hilare…, mon condor.

 

Temps.

 

  Tu frottes ta tête noire de cheveux ras au creux de mon ventre. Et c’est doux, ça. Là. Comme un agnelet sur l’herbe tendre des beaux jours revenus. Tu as répondu à mon désir tu. J’ai répondu à ton désir su, j’ai. Tu as mis tes mains sur mon corps tu. J’ai mis mes mains sur ton corps, j’ai. Tu as fait ma toilette, j’ai. Comme ce père qui n’était pas le mien, mon pas-père. Viens boire à ma source tiède, fraîche, fraîche et tiède…avec la voix de velours, j’ai une faim de loup …pas vous?

 

Temps.

 

  Les yeux plissés…

 

Temps.

 

  Mon indien plissé aux  yeux dansants à sourire de bonheur, dans son visage la jouissance comme…dans son visage fendu un sourire se pique…l’écharde de la jouissance…alors ma nouvelle couche devient mon vaisseau…à l’abordage, mon beau capitaine…sur le cou et sur la poitrine se lit visible l’érubescence de nos joutes nocturnes, lorsque nos peaux s’épousent… à peine nous enlaçons-nous que c’est comme un nœud d’anguille à la dérive…voluptueuse…une histoire de jouir, une histoire de déflagration sacrée, c’est l’ire du jour, la colère radieuse, l’orage éclatant, l’éblouissement…j’avais presque totalement oublié ce geste quand…il a surgi de mon corps…préhensile…

 

Noir.

 

HOMME….peut-être qu’il sourit, et son sourire peut suffire.

FEMME. Alors pourquoi tu la trompes?

HOMME. Parce que j’ai froid.

FEMME. …

HOMME. Quand je suis loin, tout seul, j’ai froid…alors une femme, c’est chaud, c’est bon.


 

L’ENFANT QUI NE REVIENT PAS

 

 

 

 

VOIX D’ENFANT.( un peu rauque et trop forte) MAMMOET ça veut dire mammouth en…?

VOIX DE FEMME. MAMMOET ça veut dire mammouth en …? MAMMOET en lettres capitales rouges sur la bâche d’un semi-remorque porte Maillot, le lendemain je revois Mammoet porte de Clignancourt. Mais mammoet au fond c’est quoi?

C’est la mère, c’est le monstre, c’est mammoet.

  Avec e dans l’o comme dans cœur et pas eu comme dans meute. C’est ça mammoet. Quelque chose à se dire, à se dire, à entendre se dire, à redire, à reprendre, à murmurer, susurrer. Mammoet, mammoet, mammoet, mammoet, mammoet, mammoet.

  Avec toutes les intonations possibles, celle de mais où est-elle ma mammoet, celle de tu es là, mammoet, celle de mammoet, viens, celle de mammoet, pourquoi tu viens pas. Celle de mammoet, je t’ai perdu, où t’es, t’es plus là, où suis-je je vois plus ton visage sur le mien, penché. T’es cachée, mammoet? T’es fâchée, mammoet? ( la gorge serrée, un sanglot comme un grelot) Dis-moi comment être gentille mammoet.

  Je serai gentille, mammoet, je le promets, mammoet. Je le promets. Sage, mammoet, sale gentille petite page. Je te promets.(les yeux vers le haut, semblant chercher là au-dessus d’elle une réponse) …Mammoet, mammoet, mammoet, mammoet

  J’ai quitté des yeux le mur, l’âne, je ne l’ai pas retrouvé, dans le papier peint pourtant je l’y avais laissé, il repassait toujours par le même endroit, devant mes yeux consentait à apparaître. Où l’as-tu mis, l’âne? mammoet, rends-le moi, rends-le moi mammoet…pourquoi l’as-tu emporté avec toi, mammoet perdu? Je vous ai cherchés, dans la rue m’est revenue en pensée l’histoire du chien Nox et de la chatte Die. Le chien est noir. Un griffon cortal attaché à un piquet dans la cour d’une ferme, d’une femme, d’Écho? Il y a deux corbetières, cage-piège où l’on a mis des pies pour attraper un renard; ça, c’est Pan? Je ne sais pas ça. J’ai oublié ça.

  Mammoet? ( comme on croit parfois entendre les pas de celle qu’on aime)

Mes mains sur tes reins. Je serre les poings, je me tiens au crin blond de tes reins, les longs poils clairs, je les serre, et hue, et dia, j’avance sur toi, jambes écartées sur ton dos, enfourchée pour le long voyage. Je suis Attila, comme ça sur toi avec les éléphants, j’entre dans la vie. Entre mes cuisses, les jours brûlés sur ton dos, frotte, frotte, frottement dément de mes cuisses serrées et fines, dessinées; sur ton dos osseux je me frotte, partout sauf là où c’est cassé, là en bas, le dernier os avant ce qui allait devenir la queue de l’homme. Je frôle alors là doucement le renflement imperceptible, là ça ne frottera jamais là.

  J’ai été ton ange avec du miel dans la bouche et de l’amertume dans le ventre. Maintenant je veux être la femme de Jean, celle qui enfante dans le soleil radieux, la lune sous ses pieds. Laisse-moi partir, mammoet, laisse-moi être imparfaite. Laisse-moi arracher ta langue entre mes dents, laisse-moi la folie, fais m’en grâce, au sortir de toi, laisse-moi enfin les méduser, eux tous, rends-moi, rends-moi la grâce et la déraison. Andante in pace. Je reste ton fol enfant sage, mammoet, ton ange fille, ta saucisse, ta crotte, ta reine, ta prune, ta biche, ta…, ta…, ta…Elle reste comme  extasiée, la bouche ouverte, plus rien n’en sort. Elle tète la phalange du majeur de la main droite comme pour apaiser une douleur, un chagrin à s’en faire disparaître les dents. Mammoet, une pas du genre à pleurer à s’effacer les dents, elle.

 

Temps.

 

  Ma langue n’est pas ma langue. Pour celle que je parle aujourd’hui, je ne manie pas, je n’ai pas appris, je n’ai pas appris à manier, à manier les…liaisons, désappris, les…locutions, jamais appris, les…ne me sont toujours pas naturel. J’ai connu le silence rythmé par le corps balancé et le silence qui sonne aux oreilles comme l’après d’un cri…

Ta langue à la sucer toute la nuit la mienne me brûle…Ma langue à sucer la tienne toute la nuit me brûle comme coupée au fil de sucre des bonbons fruités de la mienne enfance de petite fille…Le garçon de la voisine a pissé sur ma robe de coton à fleurs de fraises des bois, des fois que les fleurs tissées donnent des fruits…un enfant toujours prêt à se faire du mal…j’ai été longtemps toujours prête à me faire du mal.

 

Temps.

 

  “Ma semence d’automne” qu’il m’appelait mon grand-père, le grand Incestueux avec ses yeux de ciel lavé. “Ma saleté”, l’aïeul chéri me nommait telle, j’étais “sa” saleté, quand il le disait, j’entendais, sa sainteté, sa seigneurie, sa grandeur, il flattait toujours mon flanc de l’autre main, il esquissait toujours un geste pour/ je courbais l’échine/ un jour j’ai pleuré/ il avait trop longtemps frotté/ toujours chastement j’ai pensé/ à lui toujours de la même façon/ je caressais son crâne/ je reniflais son odeur de peau/ j’allongeais mes tendons pour l’atteindre/ pas comme celui au sexe/ celui dont le sexe sort par la bouche/ ça se voit quand il parle que quelque chose dort au fond de sa gorge/ ne demande qu’à venir lécher ma petite pulpe naissante/ j’en ai encore la larme là au fond du ventre/ le souvenir dans les genoux/ de trop grands pliés j’ai du faire pour que ça entre/ vraiment très grands devant la barre/ pourquoi a-t’il fallu que je me tienne à sa hauteur/ sa grandeur/ voilà pour la vie il reste le timonier pervers/ l’homme au maillot de peau/ le pantalon-bretelle-ceinturon/ dis-donc, belle entrave à enfoiré/ si souvent offerte à sa concupiscence/ à sa quoi?/ comme on se réveille d’un rêve toujours le même. Temps. (constatant) J’y retourne toujours à la machine/ ce vieux machin comme si c’était ma place/ docile enfant/ sale ange sage.

(Ad libitum elle chuchote.)

 

  Il aurait pu aussi bien dire: il y a un roi en moi, laisse-moi faire, fille. Mais ça c’est d’un autre, laisse-toi faire, fille. Je vois, je vois, je vois sa, sa, sa narine qui bouge près de ma saleté de visage d’ange…tiens prends ça que tu veux. Viens souffler ta chandelle va. Dédresse-toi en moi, va. Je serais été ça… une sorte de clientèle à poudre. Qu’est-ce que tu dis? Je t’entends encore…peut-être qu’il va me pousser des ailes à moi aussi…”celui qui cherche le chemin, il titube, il revient sur ses pas.”Allez, c’est dit, je tiens bon, je tiens bon, mais de quel côté du manche?

VOIX D’HOMME.  Tiens-le moi mon ange, tiens-le moi. S’il faut, s’il faut que cette chose-là arrive, alors tiens-le bien.

 


 

ÉCHO CALL-GIRL

Un dernier égarement

 

ÉCHO. Oui...

HOMME-BLOND. ...

ÉCHO. Où habitez-vous?

HOMME-BLOND. à L...

ÉCHO. Et bien retournez-y, je ne serai pas ton Ophélie...

 

HOMME ROUX. Je suis désolé.

ÉCHO. Non, c’était bien.

 

ÉCHO. Un léger trouble. J’entends...est-ce que tu m’écoutes? Can you hear me, gentle Narcisse? Est-ce que tu peux m’entendre? Tu aimais tant ça, ce jeu-là, de quand j’étais ton chien couchant, quand haletante j’accourais...tu insistais, commissures fêlées, tombantes, fais-moi ton petit tour, Écho, relève-moi cette bouche, Écho, aide-moi. Je t’aurais tout donné alors, tout ce que j’aurais pu trouver, mon Narcisson, tout le fond de mon amour. Mon Narcisson est de mauvaise humeur, de mauvaise foi, sa face lui démange. Écho a rasé son Narcisson, a coupé ses boucles, a blessé ses joues. Mais tu avais bougé...Le temps que la blessure guérisse. Et puis, tu as recommencé à vouloir de moi ces choses...Ôte-moi ce masque, ôte-le moi...Je ne le pouvais pas. Mon Narcisson n’en finissait plus de se regarder... Coupe-moi, Écho, ces bas-joues qui me pendent, ces paupières en trop. J’ai appelé le dieu des corps, qui n’y pouvait rien, je suis enfin allée trouver le dieu des visages...Tu m’accusais, mon Narcisson, de t’avoir distrait par mon corps de la surface des eaux, de t’avoir écarté un temps du miroir...Oui, combien cela a-t-il bien pu durer? Dis...dix ans, oui, il a vieilli loin de son reflet, mon Narcisson, maintenant, il ne s’y retrouve plus. Dix ans à troubler les eaux. Dans la mare, nénuphars, poissons rouges pullulent, quelques lentilles d’eau...la petite Écho seule a fait tout ça, pour te garder, a rempli le bain, a soufflé sur la glace...moi, la gardienne sans clés, la petite fiancée du fleuve, l’amante des brumes, ce n’est pas le feu que j’ai volé, non, non, seulement cette vapeur emplissant ma bouche, dérobant tout mon souffle, cette douce chaleur sur les surfaces froides, oui, dix ans à sabler, embuer les miroirs... après quoi, plus un mot n’a consenti à sortir de là, de ma bouche tiède, buée, buée, buée... Et pendant tout ce temps, ma bouche a oublié ta bouche, le joli jonc de ton ventre ne dardait plus, oui, ça, je l’ai bien vu, mais que faire?...je t’ai rendu ma bouche douce et tiède, j’ai failli, j’ai failli... ma bouche, je l’ai collée à ton membre mou pelotonné sous ma langue, et la brume s’est dissipée, et le reflet enfin t’est revenu, à toi depuis si longtemps évanoui...J’ai failli, j’ai failli, et tu t’es vu, mon Narcisson, dix ans avaient passé et tu aurais voulu que j’arrête le temps, que je retienne les jours...Tu m’accables, tu m’accables, tu accables Écho de tes reproches, et je ne sais que faire, j’ai perdu la face, tant de buée par ma bouche a passé que les mots fondent dans ma gorge, quelques sons, la fin de tes phrases...Arrête, arrête, tu ne disais plus que ça, me poursuivant, me pourchassant, me harcelant... Arrête, arrête de répéter tout ce que je dis!...Ce que tu dis n’est pas si doux à mes oreilles, pas aussi doux que le miel, amer, que du bout de ma langue j’allais dénicher dans les tiennes. Courant de-ci, chevauchant-là, dieu de la métamorphose, répondez-moi, dieu de l’esthétique, où êtes-vous?... dieu de la transformation, à l’aide! J’ai failli, j’ai failli, et le visage a été refait à l’identique des dix années avant, comme si de rien n’était. C’est moi encore qui ai soigné ton visage emmailloté, mon Narcisson, une à une, Écho a ôté les bandelettes révélant à toi-même, celui que tu n’étais plus mais que tu tenais tant à demeurer. Tu m’entends?...quelque part où tu te tiens...Le peux-tu encore? J’ai failli, j’ai failli, maintenant tu te tiens quelque part hors du temps, c’est tellement ce que tu voulais...Ta petite traînée sonore, c’est comme ça que tu m’appelais, s’est abîmée à force de te voiler la face... J’ai failli, j’ai failli, il y a une femme là-dessous, mais c’est par tes propres yeux que tu meurs...Est-ce mes yeux rougis qui me trompe, ou est-ce le cœur rouge de mon Narcisson que j’aperçois au fond de la mare, je tombe, je tombe, je tomberai, bien au fond...J’irai repêcher ta vie dans l’étang, mon cœur...Tu m’entends?...Regarde un peu celui-là qui s’approche, écoute, mon Bon, je te dis ce que mes yeux voient...Un homme...aux cheveux blond doré...touchant ses épaules, sa barbe...épaisse roux clair, ses yeux...clairs riaient...Un lion...chemise kaki-beige et pantalon de treillis, assis au bord du bassin, fumant et riant au soleil, devenu un dieu...Un clochard de l’année, tout neuf, trente à peine...beau comme un dieu-hilare...semblant dégager le soleil des jours d’avant...Phaéton a retrouvé son père...

  ...Puis c’est la chute...Redevenu homme, mortel, faillible...Son corps... cède au vent, à la pluie, à la mauvaise nourriture... Je l’ai vu s’abîmer, je l’ai vu traîner la jambe de tout son corps déhanché, le visage rougi, brûlé par le froid... L’ai vu avec bouteille de vin, imperméable trop long et bonnet trop bas sur les yeux comme un enfant débile...L’ai aperçu de loin, sa démarche bancale, ses cheveux ramassés vers l’arrière, retenus attachés sous sa casquette... Ai pris le temps de le regarder, ai marché un moment derrière lui, parlait-il seul? à voix haute?...n’ai rien entendu, l’ai dépassé, lui donnant mon plus beau profil, silencieuse.

 

Temps.

 

HOMME-CLOCHARD-LION. Mademoiselle, vous avez une cigarette?

ÉCHO. Mouette-mouette, je ne fume pas, désolée. Je me caressais juste un peu à l’abri des liserons, j’avais des fougères chaudes jusqu’aux épaules...Et vous, ça va bien?

HOMME-CLOCHARD-LION. ...

ÉCHO. Vous êtes jeune, vous êtes beau, cette jambe abîmée...comment vous est-elle venue? Vous l’avez prise où? Cette vie, comment l’avez-vous attrapée? Je suis toute ruisselante de t’attendre, mon Narcisson...Tu pourrais m’avoir, si tu voulais. Tu sembles ne même plus vouloir. Tu vas tomber, tu vas tomber...

H-C-L. la regarde.

ÉCHO. Vos vêtements... vestes de lin froissées, chemises de crépon rayées, treillis kaki...vous les prenez où?...Tes cheveux dorés, ce sourire, et ces yeux bleus toujours riants, d’où vous viennent-ils?...d’une vie d’avant...pourquoi alors ne la faites-vous pas revenir, cette vie qui vous habille encore de cotonnade raffinée, subtile, seyante...Et l’espoir, vous le trouvez où?... L’eau je vous ai vu la boire à la fontaine, y laisser ta main pour en rafraîchir ta nuque...Passe me prendre, mon beau. Laisse-moi t’illuminer, mon sans domicile fauve...ôte ta chemise, quitte le bas aussi...peut-être repartir du dessous, de la peau à nu, c’est cela qu’il faudrait. O mon tiède. Une jeune fille nue a traversé le chemin devant moi...oui, oui, j’ai d’abord pensé une biche, au bruit de ses petites pattes onglées sur la grève...elle a passé comme un reflet...O, mon doux, mon tiède. A vrai dire, je n’y tiens plus, à faire venir la sève, je renonce, mon Narcisson. J’ai, j’ai, tant et tant, son, son, mon Narcisson, mon imberbe, mon flaccide, dégoupillé, tant et tant, soupesé la figue de mon petit poulet, mon éteignoir chéri, mon refroidi...roide, mon pantin frigide... quand me petit pot de beurreras-tu? M’entends-tu?...


 

 

 

L’ENTRE-DEUX

 

 

Écho est penchée au bord du bassin, seule.

Pan, attiré par ses cris d’oiseaux, va s’approcher. Pan avance masqué, il porte le visage de Narcisse. Pan nu, le sexe dressé vers la gauche.

 

ÉCHO. J’ai griffé la peau de l’étang, pour que tu ne t’y retrouves plus, je n’ai pas cessé, toutes les étreintes, tu les réservais à l’étang, ne me voyant pas, ne me touchant pas.

Tout ce temps passé à étreindre la surface des eaux, comme étreignant la mort, flirtant avec elle. Elle est venue te cueillir, elle a fini par consentir à venir te prendre, elle t’a accueilli, Mon Narcisse, étendu au bord de l’eau, la tête rejetée en arrière parmi les fleurs, telle une nymphe endormie.

Après la déchirure sonore, la déflagration, comme une chute de pierres, au début de l’orage, la pluie commençait à tomber, violente, un papillon voletait cherchant asile.

    J’ai griffé la peau, j’ai griffé ta peau, j’ai griffé jusqu’au sang, ta peau jusqu’au sang dans l’eau, ton sang, beau sang répandu dans l’étang, ton beau sang d’amour versé, mon amour, mon sang, sans toi, que vais-je devenir, sans toi, quel devenir? Je tends, je t’entends, je sens, je tends mon cou vers les temps à venir, mais l’étang n’a pas encore rendu ton corps, j’attends. Et j’ai tort d’y venir, toucher une fois encore ton corps, mort-blanc vidé de son sang, mon Narcisse, Narcisson, tes lèvres pâles soudées à la surface miroitante des eaux, j’ai arraché tes cils, griffé ta peau, sur ton dos j’ai fait naître les perles de sang, tracé les sillons, rigoles, rigoles, de rosée sur ton dos, tu criais, ton cri, mon oreille perdue, percée de mille morts, mon amor, ma vida, tout ce sang dans l’étang, l’eau troublée, les flots teintés qui filaient, filaient, partaient se jeter, mon amour, tu pleurais, tes pleurs, mon oreille, percée, ma bouche, décousue depuis peu, mon sexe démâté, mes bras démis, hors d’eux. Dormante, je t’ai aimé, belle. Et douce, j’ai glissé mes doigts profond dans l’aine désertée, cette douce luisance de la raie de la fin de ton dos, te souviens-tu, mon Son, mon Narcisson, cisson, cisson, je t’ai aimé. Ma fleur de peau. Ton fascinant me refusait ta sève. M’a, m’a, m’a, un si long temps, dit non, non, non. C’est con, c’est con, si con, si con, un con si vide.

Pan apparaît.

Écho, hallucinée, croit voir Narcisse. Le mort se rend.

 

  Quoi?

  C’est, c’est, c’est toi. J’ai, j’ai, j’ai, j’ai, j’ai, j’ai, j’ai failli. Failli. J’ai failli, failli, failli, défaillir et j’ai ri. Ri. O. Oui. J’ai bien failli en, en, rire. Rire de je, rire de je. J’ai, j’ai. Rire de geai. Oui. Je, je. Mon, mon si, mon tant, mon sexe, se tend, s’étend, s’est tu, sais-tu? Hue, hue, mon chant, s’est tu, ma vie, mon sang, mon faon, petit faon, perdu, pfuitt, plus. Plus de rien. Plus de sang, plus de cri, plus de feu, plus de vœu, plus de vie, mon en...mon en, mon enfant, excite, excite, excite... moi, mon, ex, ex, moi, mon ex, mon excitant, si tant ex, si tant sexe, mon sang, ex, ex, ex...(dans la déflagration amère)...exit...exit Narcisse...

  Cesse, cesse mon sang, sang dans ma, gorge, serre, serre, serre-moi, mon faon.

Écho penchée sur l’eau, Écho c.c. les yeux rougies.

Pan la couvre, la serre contre lui, la prend, la berce, la calme, la suce, la réchauffe. Il fait tout ça, lui.

 

ÉCHO. J’ai failli, failli. Exit Narcisse. Et j’ai ri. Ri. O. Oui. Égérie de rien. Mon Narcisson? Sauvé? Elle suit la ligne courbe de son sexe de son index tendu.Ca? Ca? Où as-tu pris ça? ce..., ce...FASCINANT. Ce fascinant...mort? mor...mordoré, ce tout doré, doré, dressé. Ce tout droit. Mon roi, roi, mon roide. Laisse, o, laisse-moi, voir, ça, voir ça, boire, boire, boire son ja..., son ja..., boire son jaja, son jet, j’ai, son jouet, j’ai joué, jeté, laisse-moi jouer, je veux, je veux jouer, jouer, jouir, sur ta joue, laisse-moi jouer de ta si belle, si belle, si nous, si nous, si nouvelle...FLÛTE. Si douce peau, ta peau si douce, si nouvelle flûte, la peau...la peau, déchante, désenchante, la peau de mes, PENSE...l’appeau de mes pensées...chante, chante, dès à p..., l’appeau de mes pensées désenchantées...Que fais-tu? Que fais-tu là? d’où, d’où, mon doux, d’où reviens-tu? Mon si, mon si, six trous, six trous, mon si troublé?...J’ai, j’ai, j’ai bien failli,...exit Narcisse...Égérie de rien. Elle a le hoquet. Cris d’oiseaux. J’ai avalé tes couleuvres.

 

PAN. Viens, mon inflammable, que je ranime ton beau corps éteint.

  Ma fauvette, ma pie, mon geai, mon paon, ma serine, mon cœur, mon choucas des îles, ma civette, ma tourterelle, ma filante, ma folie, ma civelle, mon âme, ma mésange, ma linotte, mon oiselle, mon éden, mon sucre, ma ficelle, ma gélinotte, mon hirondelle, ma faisane, mon inséparable,...Je suis ton paon, laisse mon bel oiseau...ton leurre, si tu veux.

 

ÉCHO. Mon Pan, ma pine, mon paon, mon grand lapant, mon ruisselant, mon affalé, mon effarant, mon avalant, mon salivant, mon titillant, mon oscillant, mon attirant, mon rutilant.

  Mon marabout, ta sarabande...Je te tiens, tu me tiens, le premier de nous deux qui...Je me tends, tu te tends, viens.

  Je t’attends déjà et je crains que mon cœur tout d’un coup ne s’arrête. Tiens! il bat plus fort.

 

Après l’appeau Écho, après les cris d’oiseau, gazouillis et cris d’orfraie, la pénétration, l’apaisement de Pan.

 

  Tu as touché mon corps et tu as pris mon cœur, tout au fond.

  Mon beau, beau comme un dieu...mon mascaron...

  Narcisse est bel et bien mort. Mort, ça oui. Bel et bien peut-être pas. Je sens encore la tige brisée dans ma paume. Mais il n’en finit pas de pleurer dans mon cœur, il bouge encore dans ce corps de moi, corps de gardienne, gardienne de la buée sur les miroirs...damné temps, pendant tant d’années, à m’essouffler, absorbée dans cette tâche.

  Tu entends, mon beau, mon mascaron de fontaine, mon ruisselant, give up bad man for good...

  Il le fallait. Il fallait tuer le Narcisse. La chaleur tue le Narcisse. Elle hurle de rire, comme on rugit.

 

  Et les paroles s’envolent de la bouche d’Écho comme des oiseaux, pareilles à des oiseaux sans tête, sans cervelle. Et pour séduire l’oiseau Écho, Pan comme un leurre, un appeau, l’appeau de Pan, c’est son oiseau. Il montre son sexe courbé vers la gauche. Il apparaît nu à Écho, qui d’abord voit sa verge bien érigée. Tendue. L’amour tout l’hiver et la brume tiède qui sort de la bouche et monte du sexe. Mon Pan a bu l’eau du bassin pour son Écho, pour que son Écho n’y retourne pas. Elle aurait tourné folle. Il a avalé le Narcisse perdu dans l’étang. Écho a pu croire cela. “Rends-le moi, rends-le moi”. Narcisse est tout entier contenu dans le grand corps de Pan.

  Et moi, Écho, sur le chemin d’être une voix, de la disparition de mon corps, j’ai croisé le chemin de Pan.

  Je suis devenue la fleur, la fleur du rivage, la fleur du rivage de ta vie. Et tu me combles. Achevons. Achevons-nous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

LES CORPS SAPIDES

Le début d’un duo d’amour

 

ÉCHO.  Pan long à la détente dans mon ventre a tout lâché. A coup tôt tiré. A essaimé, a tiré, s’est hissé le long de la berge, mon con brûlant, mes lèvres rouges. Frotte et frotte et frotte. Et yaaa. Frotte et frotte et frotte. Et yaaa, yaaa.

PAN.  OOOui,…je vais te faire hululer, ma tourterelle, mon fer de lance fera rougir tes lèvres, tes replis incarnat,… je m’en vais te faire… je m’en vais irradier d’écarlate les replis soyeux  du tout bas de ton ventre, je m’en vais, de nos écumes mêlées, te leur mettre l’eau blanche à la bouche.

  Ma hulotte, ma Lotte, ouvre-toi si grande, que j’entre tout entier en toi, que je me fourre, te fourre entier dans ta belle gueule hurlante de plaisir profus, bouche incendiaire sous les cendres. Ta belle gueule de combustible comestible, sifflante sous ma langue agile, feule, ma sirène, feule, la voilà qui vient, le long de ton échine dessinée, l’alternative jouissance, la décharge qui grimpe le long de ton dos, ma main…Voilà que tu te mets à ruer tandis que tes lèvres s’abouchent à mon ventre. Et va…, et vient.… Je me retiens. Je martèle de mon bélier fumant la porte de ton ventre, le tien. Tu ne m’auras pas avec tes lèvres rougies sous ta barbe vénitienne, ta bouche nue sous la filasse rousse, je te dénicherai , je te dénicherai…perché, je me tiens aux deux mâts de tes jambes, tes orteils au chaud dans ma bouche, ma langue frétille bien amarrée à ton ventre.

 

C’est l’écriture de la jouissance retrouvée, pas de Pan sans indien dansant.

 

  J’entrouvre, de mes dix doigts, je joue de la vulve. Laisse-moi t’effeuiller, t’écarter, t’entrouvrir, la pine dans le fourré, royal. Le grand écart, royal. Laisse-moi…

Remplir ton vase, y mettre le feu, y semer la flamme, y déposer mon huile brûlante, mon incandescente, mon embrasée. Ma hulotte bat de l’aile, quand je visite l’entaille du bas de son être. J’ai tout fait frémir de son corps, ma feuille de rose, je sais le chemin du devant et je sais le chemin de derrière aussi, ces délices-là d’autres amants….

  Ma toujours vaillante, ma trouée deux fois-là en déroute, mon échevelée, ma presque déesse, ma hurlante, IooOO… Ma déréglée, déferlante, sifflante aux yeux rougies d’échardes mal éconduites, agenouille, je te dis, agenouille. Mon sifflet d’écorce prend de l’altitude, pend ta bouche à ma queue, siffle moi ta roucoulante. Agace du bout de tes dents les boules laineuses, j’ai confiance…siffle à petits coups, je te confie mon anse, siffle, mon accroc du goulot, mon invétérée suceuse de jonc dardé, siffle d’un coup ma liqueur… Je te perds… Seules les mèches folles vénitiennes volettent autour de tes épaules…laisse-moi venir au fond de ta gorge tiède,

ÉCHO.  Tu fais si bien, tu veux faire si bien…tu dois reculer, le haut-le-cœur lorsque ta queue cogne en haut de ma langue. J’ai trop de queue dans la bouche tout à coup. Je frissonne. Pas loin de claquer des dents.

PAN.  Ma belle déroutée, taille, taille mon sifflet d’écorce….ânonne, ma douce levrette, ma luxuriante, mon inouïe, jouisseuse d’aube, ânonne, ânonne, mon nom, d’autres sortes de nom aussi. Le doux fredon de Pan. Il chantonne, fredonne. Le doux bedon de Pan aussi.

  Tu vois, je suis avec toi, mon doigt à l’ongle ras s’insinue; comme une gondole, je fouille mon, je fouille ma, Venise, Venise où est le pont de tes soupirs? Va et vient, te fouille, embouqué, dans ton canal chaud déserté, je cultive ton jardin, avant d’ensemencer, je prépare le terrain…je réchauffe la terre, ton canal lubrifié-chaud. J’habite ton canal, pas un de tes anneaux je ne le laisserai déserté, inhabité, désaffecté…j’entretiens ces canaux-là de ma Venise hululante…de ma décousue, mon entaillée vivante, ma redoutée….je te ferai frémir et venir, je te ferai fleurir, je ferai fleurir…mon beau cerisier stérile, afin qu’encore et encore j’y vienne boire la pluie de pétales, j’aboie, je n’en peux plus d’aboyer, mais qu’est-ce que j’ai à aboyer autant aujourd’hui, cesse, cesse, ouah, ouah, ouah…

ÉCHO.  Je ne sais pas si ma vie est bien assez grande pour que tu y tiennes tout entier. Viens un peu là pour voir. Oui, je le sais ça que mon monde d’en bas sait accueillir, cueillir ton beau fruit de jute, ton bâton d’idole, idylle mangée. Ta tige féconde, mon beau planteur, la liane qui me déporte…un coup à droite…un coup à gauche. Mais à toujours marcher sur le fil, l’horizon s’est tiré, ma pupille étrécie accommode mal, voilà que je me suis fait un petit monde, à mes épaules ajusté, ma vie de tant de jours, de tant de nuits polaires, je l’ai passée engourdie à attendre un homme lumière qui allume mon corps.

  Voilà, je suis ton photophore, tu as allumé l’en-dedans, ma cache tiède tu l’as envahie de ton sang hun… Tes yeux fendus à voir juste ce qu’il fallait, ni plus… Tes pieds je veux bien les mettre dans ma bouche, après tout, ça sert à avancer, tu sais si bien m’en caresser la tête tandis qu’au milieu de toi, je bois à ton oasis, ta source presque tarie de vieux désir.

PAN.  Ma syncopée, mon altérée. Ma succube, ma femelle à bascule. Je t’emmène où tu veux, doux ou fort.


 

LE HAKA D’ÉCHO.

 

Écho ne peut se retenir. Plus fort qu’elle. Devant l’énergie vitale de Pan. Elle le sabre, son “n’oublie pas que tu vas mourir” se répète en é(E)cho. Elle ne peut s’en empêcher.

 

ÉCHO.  Mon piment préféré doux et préféré fort… memento mori…me trouera la gorge à pousser comme ça dans le fond de mes muqueuses constellées, chargées de mes nuits-jours polaires. Comme possédée, ou dépossédée d’elle-même, tu parles...                                  Mammoet?…Mammoet?…

Comme la pelote de fil glissée à terre se débine, se défile et court se perdre sous un meuble. Écho se défait, se déconstruit, s’évanouit, happée, attrapée par la force d’un souvenir vivant encore, d’une évocation, détournée du fruit de l’homme, son indien dansant, le pied encore attaché à l’élastique du ventre- étrier d’une autre mère.

  Manque de peau… qu’est-ce que je, il a dans le ventre?

Mammoet?…Mammoet?…où es-tu, pia-mater?…dans la tête du  petit garçon mort, avec la dure et l’autre entre vous deux…

  Dans la main du petit garçon mort, le père glisse une pièce et dit “Ton obole pour le passeur.”…Mon ton cœur triste tinte encore, la pauvre cloche n’en finit pas, je suis ton esclave, l’esclave d’un toucheur de bœuf…Pan, à coup tôt tiré, Pan, Pan!… Ne peut se retenir…, à vingt ans, un six coups,… à quarante, un trois coups,… à soixante un petit  coup, à quatre-vingt,… un coup pour rien….Tu décharges à la vitesse d’un galop de cheval lancé et tu voudrais que je sois ta mule…PE, PE, PE, PE, PEOR QUE IO…(explosé, un premier cri déchirant)…Est-ce que je, il a quelque chose dans le ventre?…

  Mammoet?…demeurez!…( un deuxième cri déchirant.)

  Manque de peau…Pan, Pan, memento mori.

  Souviens-toi, tu me touches et je suis tellement chaude que tu peux entendre chhh…le bruit de l’huile sur le feu…j’ai mis mes dessous de soie noire, mes dessous de baleine…je me veux…me veux-tu? Prends-moi…PE, PE, PE, PE, PEYOTL…( le trémolo explosé  d’un cheval hennissant)…

  A vingt ans, matin, midi et soir, et rematin, et remidi, et resoir,… à quarante, le deuxième, le cinquième, le septième jour…à quatre-vingt, mes meilleurs souvenirs… ma fiole, tu te paies ma fiole… mon long à la détente, mon Pan à répétition, mon silencieux, un six coups devenu un trois coups. C’est encore à venir. Trace la ligne sur mon ventre, Ô oui trace la…memento mori…(cri strident)…J’ai les visions sacrées, je connais les douces vertus( celles de la discontinuité d’Écho), mon barbu ithyphallique...

…Je revois l’épouvantail flaccide,  la chaleur a tué le narcisse, l’éphèbe se débine, pâlit. Le désombré, le presque rien maintenant qui me fut tout longtemps. Mon petit polaire, petit poulet, mon éteignoir chéri, mon refroidi…je suis partie, il le fallait…

vers la lumière…

  Mon pantin frigide…avec toi dans l’entreligne… J’ai les visions sacrées…celles d’après… le peyotl …Quand me petit pot de beurreras-tu?…

PAN.  Je te petit pot de beurrerai/ Quand tu me petit pot de beurreras/

ÉCHO.  Laisse-moi te petit pot de beurrerer/ Afin qu’ensemble nous nous petit pot de beurrerions/

Viens là boire à ma lisière, là où tu sais si bien faire perler la rosée.

PAN. Ma baiseuse sacrée, ma besogneuse sucrée, mon ascendante. Serre-moi, serre-toi tout contre la mâture armée pour ton cas. Mon andalouse frisonne, ma levrette, ma hase, mon agnelette, laisse…moi aller et venir le long de ta sente…charnue en diable, meuble comme une plage humide…Et pan, et pan, ça me reprend.

  Sur tes flancs, je taillerai des anches à faire venir le plus beau son, celles à laisser sortir le bruit des vagues. Je me répands sans effort, sans crainte…Et pan, dans la meurtrière, ma guerrière, déverse l’huile chaude. J’attends ton ébullition, j’atteins,… ton foutre femelle…sur moi laisse couler…Et pan, et pan, ça me reprend…Prends-toi à ma queue. Ma belle fourragée, ma broussailleuse, je

Brouterai jusqu’à la fin de la nuit tes herbes folles. Ma gazelle volante au vent d’avril, laisse-moi te saisir, au tréfonds t’engourdir. Au point du jour…Tu sais bien, laisse-toi faire, donne, donne-toi, accueille, là où le doigt passe…à la porte de derrière laisse-moi faire le point. Laisse-moi t’enluminer, ma blafarde, ma pâle, mon animée.

ÉCHO.  Lui m’appelle de toute sorte de nom. Cet homme me nomme. Il m’a trouvée désactivée, inerte, il a relevé les fils, les a reliés à la terre comme au ciel. Cet homme-mi-animal-là a illuminé mon vaisseau ardent, il y vient, le poisson de mon âme, déposer sa semence-laitance, si odorante comme le bon sang de cèdre qui brûle le long de ma colonne…sa levure gonfle en moi les vagues de courant alternatif qui viennent mourir le long de mon dos.

  Mon jubilant, lui, il sait lever la hase, je me dilate, dilate, dilaterait, rien que pour toi, chauffe, chauffe l’anneau d’or, rien que pour toi, te laisser passage, mon rugissant, mon affamé désirant…

  D’une main sur ton ventre, je me tiens, l’autre battant l’air de nos duelles tempêtes, ton bassin mouvant va, bascule et danse, je suis ta rodéenne. Ta gésine rodéenne.

PAN.  Ma squaw monte à vue, ses lèvres abouchées à ma nuque. Ma grande filante, mon sucre , laisse-moi te tirer, je te monterai jusqu’à te faire blanchir. Ma moue, ma grave, ma dessillée…ma tout sauf ange.

ÉCHO.  Ta tout sauf ange je resterai.

PAN.  Je glisse, je glisse, le long de ton rail, amarré, ton ressac tout retenu par ma chaloupe contre, …descend et remonte. Tu es ma belle amarrée, la préférée, à faire frétiller mon antique caïque tu t’appliques. Et pan, je me décharge en toi, de toute ma cargaison, la pêche d’une nuit sans lune, luciole sifflante stellaire se déverse dans ton con habité, ton orbe de déesse-nymphe. Et c’est si bon ça. Laisse-moi entrer dans le temple, ce lieu de ton ventre qui résonne des bruits mouillés de ma queue. Ce retentissement, c’est le plus beau corps sonore qui soit, c’est le mystère engendré du monde alter ego, c’est… Oh…Ah, ah, ah… il jouit et l’é(E)cho retentit de sa jouissance semblant une douleur, pense-t-elle.


 

L’HYMNE D’ÉCHO

Chanson c.c. (une voix sous la neige)

 

  Les yeux me piquent, l’amer dans la gorge, les jambes molles.

  Et vient ce petit bout de toi/ là/ en bas de moi.

  Et viens je le garde au chaud/ ton palpitant/ ton marrant encapuchonné/ ton flanqué des deux boules vison/

  Viens ça/ me battre en bas/ de ton branle mugissant

  Oui, viens mugir, de ton museau souffle le chaud, là en bas dépose ta bruine tiède sur mes replis changeants de rose à rouge presque noirs, sur mes replis ombrés

  Détache-moi de tes mille doigts fouillant

  Dépossède/ désombre/ toi le mendiant à nourrir mon mythe/ mon mythe alarmant/heureusement  alarmé par ta bite/ courbe/ et joviale ta virgule mouvante tiède-humide/ fumante/ j’y souffle au bout/ j’y rapine/ j’y ingurgite/ j’y reviens/ j’y renais/ et c’est doux à ressortir de la poche/ à déloger/ à démasquer/ et c’est doux à happer/ ça/ décalotter j’ai hâte/ mon bouc aux naseaux écumants/ viens envahir mon vaisseau/ viens prendre ma voie/ la voix est libre, chantonnante un peu

  Approche la chose de ma bouche/ saisissable objet de ma convoitise/ de mon bas-ventre affolé/ aimante l’aiguille de ma boussole/ viens prendre ton quart/ écartèle/ la parentèle/ désarme la porte du sud/ désarme mon désir/ tiens, la porte du ciel s’est entr’ouverte/ s’en échappe ton râle/ tes gémissures/ ta fièvre/ viens frotter là en bas ta fourrure à la mienne/ je suis ton hermine/ prends-moi/ affûte l’engin à la meule mienne-moite/ je te sertirai/ je taillerai ton tendre joyau/ ensemble nous boirons, nous boirons à l’érubescente

jouissance, nous boirons à nos corps de nuit, à nos corps sapides. Goûtons de nos corps ensemble les liqueurs/ badigeonne-moi/ badigeonne/ va, va de ton badigeon flagellant la paume de mon ventre, dans l’appel d’air d’une mine mienne palpite encore ton canari/ juste avant le grisou( elle chuchote)/ mon désombré/ mon annamite/ mon hun/ mon ahanant/ esquimau de mes nuits/ mon esquinteur de chatte/ mon saliveur/ mon ressasseur des sassafras/ mon branleur huppé/ mon sémaphore casqué/ je crois bien que c’est pour bientôt/ miracolo, miracolo/(là c’est une autre ombre qui parle, l’ombre d’un à la queue coupée, l’ombre d’un autre monde)

  Par la fente de tes yeux/ par les yeux fendus de mon hun j’ai vu/ les yeux au-dedans de toi quand tu jouis.


 

 LA CHANSON D’ÉCHO A PAN

 Chanson des corps sapides. Une sarabande.

 

Écho chantonne et ça hoquette, ça s’interrompt, reprend et s’arrête, et ça court toujours, tout le long d’Exit Narcisse, et c’est sans fin, comme le fredon impossible d’Écho l’insatiable. Et ça s’essouffle, et ça chante faux, et c’est trop long, mais ça ne veut jamais finir. Ca ne sera toujours qu’un mince filet de voix sorti d’un coffre de jeune fille qui a trop dit, trop pleuré, trop crié. Ca ronronne.

 

 

  Viens me couvrir/ viens me saillir/ viens tressaillir/ viens affermir/ viens raffermir/ viens défaillir/ te départir/ viens parvenir/ viens t’évanouir/ viens m’assaillir et puis viens boire au nénuphar de mon désir/ viens me cueillir/ viens me rosir/ viens me transir et reviens lire entre mes lèvres tout mon désir

  Viens me saisir/ te dessaisir/ viens me franchir/ viens m’affranchir/ je deviens celle à te sertir

  Viens frémir/ viens me divertir/ viens m’enlaidir/ viens m’extravertir

  Viens m’exténuer/ viens te retenir/ viens te ficher en terre de moi

  Viens glisser/ viens aller et viens venir/ viens t’écarter/ et viens taper au fond/ viens démâter sous mes soupirs/ viens dessaler ma jolie souche/ viens te noyer au fond de ma bouche/ viens mon bélier frapper profond.

  Viens me choisir/ viens m’enorgueillir/ viens me franchir/ viens me faillir…( ad libitum)

  Viens jaillir, viens rejaillir, te dessaisir, te démunir

  Viens repartir/ te départir/ viens me recueillir/ et puis viens jouir/

  Je suis là pour cueillir, pour accueillir, je suis là pour résonner

  Mes échos te renvoient mon plaisir/ viens faire vibrer ma corde/ résonner ma crique?

  Viens garnir/ viens dans mon enclos buter mes pensées, dans mon pré fleuri/ viens reverdir/ viens te rafraîchir à la peau de mes désirs

  Viens me sauter et viens bondir/ Viens te vêtir et revêtir

  Viens gésir/ viens gémir/ viens te finir au creux de moi

  Viens me fuir/ viens t’enfouir/ viens te saisir en moi

  Viens me percer/ viens me chantourner

  Viens ouïr mon chant/ viens voir le jour

  Viens danser/ viens chanceler/ toi le postillon de mon bon plaisir

  Viens dévider (ta queue nouille)/ viens te vider de ton désir/ viens débourser/ Ô ma pépite

  Viens me défoncer/ me défroncer/ viens t’enfoncer dans mes soupirs/ te catapulter au fond de ma hutte

  Viens te déverser/ viens te dresser/ te débonder

  Viens consentir/ viens me cueillir

  Viens débander dans mon verger

  Viens me transir/ viens m’accomplir/ viens me relire et viens me dire et me redire, redire, redire le fond de ta pensée… viens glapir

  Viens me dessiller/ viens me polir, me désunir,

  Viens t’appesantir, viens m’alourdir, me gravir,

  Viens me réunir, viens m’élargir, viens m’écarquiller

  Viens me nuire, viens gésir/ viens m’anéantir, j’y consens

  Viens tenir, viens alunir/ viens me ralentir, viens me sourire

  Viens me serrer, viens te mêler/ viens te fendre les yeux dans la nuit de mon ventre/

  Viens me dévêtir, me vêtir/ viens te tapir au creux de moi

  Viens me salir, me séduire, viens me conduire, viens me déconduire

  Viens me découdre/ viens en découdre, viens sourdre en moi, viens t’épancher/ viens te pencher/ viens t’abîmer en moi/ viens t’allonger, viens me longer, viens me manger, viens m’emporter, viens me bercer, viens te lover, te serrer, t’encastrer, viens t’enrouler, viens me dévoyer

  Viens me tendre, me détendre, viens me défaire.

  Viens m’emprunter, viens me prendre, viens te déprendre, viens m’embarquer/ viens t’empreinter, viens te perdre, viens me perdre, viens me retrouver, viens m’éprouver, viens me dépraver, viens me fêler, viens feuler, viens me faner, viens me fleurir, viens (m’) épanouir,

  Viens analgésir, viens gésir, viens gémir.

  Viens colmater, viens me ravir, viens me toucher, viens me bouleverser, viens me renverser, viens te déverser, viens t’emparer, viens t’empaler, viens t’éparpiller, viens mourir, viens soupirer, viens me respirer, viens m’émonder, viens me pétrir, viens m’émincer, viens ruisseler, viens  me refléter, viens me rider, viens m’évider

  Viens m’étreindre, viens éteindre, viens m’écacher, viens t’ébrécher, viens me pêcher, viens me souffler, viens t’essouffler, viens me sabler, viens me polir, viens te caler, viens t’escaler, viens me bleuir/ viens m’éblouir/ viens tenir/ viens te retenir/ viens me détenir/ viens t’interdire/ viens m’interdire/ viens me plaire/ viens me satisfaire/

  Viens m’habiller/ viens m’innerver, viens t’assoupir, viens t’alanguir, viens me miner, viens m’étourdir, viens m’attendrir, viens creuser, viens m’honorer/ viens m’assoler/ viens m’isoler/ me camisoler/ viens m’aspirer/ viens m’inspirer/ viens expirer/ viens te lâcher/ viens me lécher/ viens me tenir/ viens me sucer/ viens me charmer/ viens t’assagir/ viens me servir/ viens m’asservir/ viens me créer/ viens me détruire/ viens m’inventer/ me définir/ viens, viens me sceller/ viens m’emboutir/ viens me dessouder/ viens me détourer/ viens m’entourer/ viens m’étirer/ viens détourner/ viens m’éclairer/ viens me dessoler/ viens me destiner/ viens me destituer/ viens me dégourdir/ viens m’engourdir/ viens me désorienter/ viens te présenter/ viens m’exfolier/ viens m’exposer/ viens m’affoler/ viens m’affiler/ viens m’affréter/ viens me voler/

  Viens m’affranchir/ viens m’étonner/ viens détonner/ viens me détourner/ viens m’exalter/ viens me soulever/ viens me résumer/ viens t’arrimer/ viens m’arpenter/ viens m’abandonner/ viens m’arpéger/ viens me mesurer/ viens me parachever/ viens me parafer/ viens me tirer/ viens me saper/ viens m’extirper/ viens me sarmenter/ viens me satiner/ viens me scala-santer/ viens me scabrer/ viens me savourer/ viens me scandaliser/ viens me scander/ viens me schizer/

  Viens me scherzander/ viens me scraper/ viens me contourner/ viens me scander/ viens m’ensemencer/ viens me cunilinguister/ viens me seoir/ viens me séquencer/ viens t’ébrouer/ viens me seriner/ viens me serpenter/ viens m’usurper/ viens m’usufruiter/ viens me vocaliser/ viens me vulpiner/ viens me zester/...(ad libitum)

 


 

LA DÉNÉGATION D’ÉCHO

En sorte de péroraison.

 

 

En se voyant écoutée avec extase, elle s’habitua par degrés

à s’écouter aussi, prit plaisir à pérorer.

BALZAC.

 

 

 

  J’ai beaucoup parlé tout au long d’ici... tout ça, tout ça...maintenant, sans rien lâcher, j’ai posé le poing. Vous aurez beau essayer de me faire dire encore, je ne le pourrai pas. Le point est mis. Le flot de tout ça est colmaté. Le cri a luté la plaie. Le dit, comme le lut, la sauvegarde de mon vase précieux. Le flot de tout ça est colmaté. Je pourrai seulement sourire, respirer aussi, un peu. Je pourrai même vous aimer et vivre. Toute ma salive, ma langue la réserve pour mes soyeux pétales et ta tige glorieuse. Si vous me demandez ce que l’homme a fait, ce que la petite fille puis femme a vu, je vous renverrai là où ça parle, je resterai là où ça se tait. Langue fichée au poing. La tanière où il fait bon se tenir, le creux où je protège chaque jour mon réveil. Nichée là, cachée là, sans la peur du coquelicot du bas de mon ventre, sans la peur de la jouissance libérée de ces jours-là/ par la marque inféconde. Et le regard fatal, comme un joyau, j’en frotterai mon âme, décelant une bonne fois la mémoire poussive, je m’en vais voler enfin de mes propres cuisses, elles battront l’une contre l’autre la danse des nymphes, rythmant la transe nouvelle, la ronde échevelée de nos sexes bandés, oui, à ce point tendus, à ce point gorgés.

  Et les satyres viendront baiser Satan.

  Les satyres attirés par le suc, aucun n’y pourra résister, aucun n’y voudra résister. Un à un, ils viendront aboucher leur vie d’en bas à la nôtre. Vit tout contre vie. De leurs yeux et des nôtres jailliront des flammèches. De nos volcans à peine éteints. Nous éclairerons les bois de nos jouissances, nous chaufferons les sources de nos combats consentis. Et les sources chuinteront à recevoir nos corps brûlants. Vous entendez? Entendez-vous?

 

 

 

 

SANS FIN.

 

 

 

 

Paris, le 1er novembre 2000.

 

 

© Fabienne Simon de la Faîte